Abstraction faite des échauffourées qui ont eu lieu récemment à Sidi Bouzid et sans verser de l’huile sur le feu je dis tout simplement que le chômage fait débat dans notre pays. Par conséquent, il appartient à chacun d’entre nous d’apporter sa petite contribution aussi modeste qu’elle soit. Je me suis permis dans cet ordre d’idées de diagnostiquer brièvement le problème tout en essayant de proposer des solutions. Je ne vais pas m’évertuer non plus à donner des leçons aux responsables qui font des efforts pour juguler le chômage. Loin de là entendons-nous bien il s’agit d’une réflexion purement personnelle, bénévole et patriotique en ces moments difficiles.
Alors que la moyenne mondiale tourne autour de 6,3% la Tunisie connaît présentement un taux de chômage relativement élevé 13,3% (source BIT). Celui-ci serait, par ailleurs, de 9,1% au Maroc et 10,2% en Algérie. Il est important de signaler également que le taux de chômage des jeunes reste très élevé (plus de 30%) et ce niveau n'a connu aucune amélioration ces dernières années
Pour maintenir le chômage à des niveaux tolérables les autorités ont toujours tablé sur la croissance économique et la relance de la compétitivité de l’entreprise. J’estime que c’est une erreur fondamentale d’abord par ce que les entreprises tunisiennes qui travaillent sur le marché local pratiquement sans valeur ajoutée se trouvent subjuguées par l’augmentation du coût du travail, des charges sociales et subissent les lois dures d’un marché concurrentiel rude ce qui les accule à réduire leurs effectifs. Ensuite les entreprises qui travaillent exclusivement sur l’export absorbant il est vrai la part du lion des postes d’emploi 55% restent confinées à employer une main d’œuvre féminine docile généralement payée à la tache. En effet il se trouve qu’en amont le travail de conception des produits et en aval sa distribution reste monopolisé par les donneurs d’ordre. Donc il n y a pas de place pour les jeunes cadres. Résultat le secteur industriel, dont la compétitivité est faible, demeure tributaire d'une poignée de marchés d'exportation et n'a contribué à créer que très peu d'emplois. Notons que nous nous acheminons vers la période post-industrielle. Il ne faut pas se hasarder à concurrencer des pays émergents comme la chine (fabrique du monde). Il faudrait s’orienter dorénavant vers les services qui représentent déjà 52% du PIB tunisien.
Par contre, d’autres facteurs non moins importants ont contribué largement à la création d’emplois :
1-Je cite en premier lieu le secteur informel pour lequel il n y a pas de statistiques officielles –dommage- souvent perçu comme un mode d’insertion privilégié d’une main d’œuvre sans qualification et sur lequel se rabattent des jeunes gens généralement sans qualification professionnelle exerçant des activités précaires pour gagner leurs vies. Mais le secteur reste dans l’ombre dépendant de la contre bande et démuni de toute protection sociale. En Algérie par exemple, l'emploi informel comptait pour 27 % dans l'emploi en 2007. Je pense qu’en Tunisie celui-ci serait de l’ordre de 30%.
2-La faible pression de la femme sur le marché du travail. Avec une scolarisation tardive les femmes cherchent la sécurité matérielle par le mariage, restent au foyer et ne daignent plus participer au marché de travail dont l’accès devient problématique.
3-Avec une croissance démographique plus que ralentie (taux de natalité réduit de moitié en un quart de siècle) les jeunes en âge de travailler (15 ans et plus) restent en nombre absolu toujours les mêmes. Mais ce qui a sensiblement augmenté c’est bien évidemment les diplômés de l’enseignement supérieur qui ont atteint les 60 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi et ce taux va en augmentant, au cours des prochaines années, surtout avec l'augmentation du nombre des étudiants et des diplômés universitaires (81.000 en 2011)
Et l’emploi étant la priorité des priorités, faut-il rappeler que le programme présidentiel mise sur la création d’au moins 425 mille emplois au cours du prochain quinquennat 2009-2014 assurant une couverture complète des demandes additionnelles d'emploi, diminuant ainsi de 1,5 le taux de chômage d'ici la fin 2014.
Pour revenir au gouvernorat de Kairouan faute de statistiques officielles je suis dans l’obligation de recourir à une petite extrapolation en vue de connaître le nombre de chômeurs qui y résident.
Aux dernières statistiques de l’INS pour 2009 le gouvernorat de Kairouan compte 558.200 habitants contre 546.209 en 2004.La population active serait en 2009 de 158.528 personnes contre 155.909 en 2004. Le taux de chômage serait alors de 158.528 X 13,3% (moyenne nationale) = 21.084 personnes minimum. Ce n’est pas énorme si on arrive à les contenir efficacement.
Ce que je propose :
1-Créer indépendamment du B.R.E. un observatoire régional de l’emploi au sein même du gouvernorat de Kairouan dont le rôle essentiel est d’exercer une fonction de mesure et d’analyse de l’emploi salarié et des besoins de main-d’œuvre, suivre mensuellement l’évolution des demandeurs d’emploi et en dresser un tableau de bord quotidien à l’intention de M. le gouverneur.
2-Organiser des réunions hebdomadaires «briefing» en vue de tirer rapidement et efficacement les conclusions qui s’imposent
3-Mettre en place un site Internet spécifique à l’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur afin de moderniser l’offre de service statistique
4-Créer une structure d’accueil au sein de l’ensemble des délégations et du gouvernorat de Kairouan pour traiter tous les cas des demandeurs d’emploi au cas par cas sans discrimination aucune.
5-Mettre en œuvre une nouvelle politique de formation professionnelle dans des secteurs innovants mieux adaptée aux besoins de l'économie et aux impératifs de l'insertion professionnelle des jeunes sans qualification.
6-Aider à la reconversion de la population des diplômés en difficulté d'insertion dans des emplois pré-identifiés grâce à de nouvelles compétences acquises avec la récente réforme des Politiques d'Active d'Emploi.
7-Adapter le système éducatif aux besoins du marché en terme de compétences et de qualifications. En effet plus des 2/3 des étudiants tunisiens se spécialisent dans les domaines des sciences humaines, des arts et des sciences sociales tel est le cas du gouvernorat de Kairouan, et moins de 25% choisissent de se spécialiser en sciences naturelles et ingénierie.
J’espère avoir apporté une bonne contribution au sujet du chômage qui monte et inquiète tout le monde.
Med Rebaï