la peche a Kairouan

Mardi 08 Mai 2007
Lapresse

Barrage Sidi Saâd : 90 t de poissons par an !
Le gouvernorat de Kairouan connaît un climat capricieux avec une alternance d’années de sécheresse et d’années pluvieuses.
Or, les apports en eaux de surface sont tributaires essentiellement des pluies. Quant aux ressources des nappes profondes, elles sont fragiles, non renouvelables et irrégulières.

En outre, l’exploitation intensive de la nappe a quelque peu épuisé en quantité et en qualité les ressources en eau. C’est pourquoi, pour régulariser la mobilisation des ressources en eau dans le gouvernorat de Kairouan, ainsi que dans le cadre de la stratégie nationale de mobilisation des eaux de ruissellement, trois grands barrages (Nebhana, Sidi Saâd et El Houareb) ont été réalisés avec pour objectifs la protection de la ville des inondations, l’irrigation d’appoint, la recharge de la nappe phréatique et la création de périmètres irrigués.
Or, voilà que depuis 1994, un nouveau créneau, celui de la pêche, a débuté dans le plus grand de ces trois barrages, celui de Sidi Saâd, s’étendant sur 1.700 hectares (de Nasrallah à Hajeb El Ayoun).
Construit en 1981, ce barrage a une capacité totale de retenue de 200 millions de m3 et est devenu une nouvelle réserve de pêche en eau douce, puisqu’il fournit 90 tonnes de poissons par an (carpe, mulet, barbeau et anguille) comme nous le confie M. Khaled Soussi, médecin vétérinaire, chef de l’arrondissement de la production animale au CRDA de Kairouan : «Notre objectif, c’est de développer davantage la production de la pisciculture en intensifiant les opérations de semis avec la collaboration du Groupement professionnel des produits de pêche (GPPP), en améliorant les méthodes d’exploitation de cette nouvelle réserve de pêche et en assurant le suivi sanitaire de toute la faune du barrage. En effet, chaque modification au niveau de l’équilibre biologique pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur les poissons. Donc, nous veillons à la propreté du barrage et une surveillance 24h00 sur 24h00 y est assurée grâce à notre unité de veille installée à sa proximité afin d’empêcher les éventuels déversements de déchets…», ajoute M. Soussi.

Des pêcheurs
tout neufs

Pour avoir davantage d’idées sur ce fond poissonneux qui fait la fierté des habitants de Nasrallah, qui ne cessent d’évoquer ce vieil adage : «Youjed fi nahr ma lam youjed fi el bahr…, nous nous sommes rendus, en ce 1er mai, au barrage Sidi Saâd situé à 7 km de Nassrallah. Havre de repos pour les uns, lieu de pêche pour les autres, les atouts de cette zone se découvrent à la carte.Dans une nature aussi riche, les attraits sont naturellement variés : un immense barrage avec une eau très calme, d’innombrables barques, des périmètres irrigués (céréales, arbres fruitiers, fourrages et cultures maraîchères), des villages aux maisons bien groupées et des montagnes immenses entourant cet ouvrage hydraulique. Des paysages qui privilégient l’évasion où le ciel et la terre se fondent dans les eaux d’un bleu si pur qu’on aurait pu marcher sur leurs flots.
Nous suivions longuement des yeux les pêcheurs surveillant leurs filets et dont la sérénité et la patience nous étonnaient.
Khaled Ben Jomaâ dont la barque porte le prénom de Faouzia et le matricule SF 7788, est fier du secteur de la pêche qui a donné un plus aux richesses locales : «Comme la saison de pêche débute le 1er mai et dure jusqu’au 28 février (les mois de mars et d’avril étant un repos biologique pour le barrage qui reconstitue ses stocks en poissons), la plupart des pêcheurs ont des activités secondaires: maçons, ouvriers ou agriculteurs, pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Notre souhait est de pouvoir bénéficier de crédits pour installer des viviers avec des filets flottants et à petites mailles dans le barrage pour l’élevage de poissons et l’installation de passerelles qui serviraient de passage pour leur fournir la nourriture car les opérations de lâchées d’alevins sont insuffisantes…», ajoute notre interlocuteur.
Youssef Farhani technicien, qui s’occupe de la cellule du barrage Sidi Saâd, nous explique que 90% des poissons pêchés sont acheminés vers les marchés de Tunis et de Sfax: «Le mulet par exemple est très demandé surtout lorsque la mer est agitée et il se vend entre 3 et 7D le kg…».

Se regrouper pour mieux se défendre

Ali Ben Rezgui Mnissi, président du Groupement des pêcheurs créé en 2004, nous précise que l’exploitation du barrage est régie par des autorisations annuelles de pêche cédées par le Crda : «Au total, 30 pêcheurs sont affiliés au sein de notre groupement. Chacun paie 50D de cotisation par an. Et le Crda nous a fourni le local, des glacières, deux grands frigos pour le stockage et une machine de glace.
Au total, 800.000 alevins sont semés chaque année dans le barrage grâce au GPPP qui utilise des méthodes modernes de pêche d’alevins au niveau de leurs sites dans des oueds situés à Oued Méliane à Radès, Slimène ou Gammarth. Ensuite, ils sont récupérés et transportés dans des bassins pleins d’eau dans des camions jusqu’au barrage Sidi Saâd. Cela demande évidemment beaucoup de précautions techniques afin d’éviter toute détérioration…».
Notons que ce groupement assure le recyclage et l’encadrement des pêcheurs dont beaucoup continuent d’utiliser les méthodes de pêche rudimentaires, faute de moyens.
Et on compte les former spécialement pour la pêche des anguilles qu’ils ne maîtrisent pas tellement…
D’un autre côté, et pour la gestion rationnelle des richesses du barrage, on surveille les hors de la loi qui pêchent d’une manière anarchique sans autorisation, sans être affiliés au groupement et en dehors des périodes permises. En plus, ils utilisent des filets non réglementaires et qui nuisent à la faune. Alors chaque fois qu’ils sont pris en flagrant délit, ils sont réprimandés (PV, amendes, saisie de leur matériel et parfois ils passent devant les tribunaux).
Fatma ZAGHOUANI[spoiler]